mercredi
10.12.2008, 14:00
par Mickaël TASSART
L’écriture
est soignée, preuve d’une application certaine même si le texte
est truffé de fautes d’orthographe.
Il s’en excuse, Shérif,
dit Kévin Delay, auprès du destinataire de sa lettre : le juge
Fabrice Burgaud.
La Semaine dans le Boulonnais a pu consulter,
sans en obtenir de copies, une lettre manuscrite, recto verso,
envoyée par le fils aîné de Myriam Badaoui au juge critiqué pour
sa gestion du dossier « Outreau ».
En avril 2008,
depuis sa cellule de la maison d’arrêt de Sequedin, dans le Nord,
où il purge une peine de prison pour des cambriolages commis dans le
Boulonnais, Kevin Delay adresse une missive à « Mr Burgaud »,
qu’il domicilie au « TGI de Paris. » « Je vous écris cette
lettre pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi »,
commence l’enfant victime, aujourd’hui majeur.
La rancœur
transpire d’un texte poignant. « J’ai fait une erreur de ne pas
parler au tribunal de Paris », concède Kevin dans son courrier, en
rapport à son audition devant la cour d’appel, en novembre 2005.
Regret que Kevin a également exprimé auprès de Me Boyer, son
nouvel avocat, qui dit de ne pas avoir eu connaissance de la
correspondance de son client avec le juge Fabrice Burgaud.
Dans
le secret du huis clos demandé par les parties civiles, Kevin
s’était effectivement montré peu disert à Paris. Son assistante
maternelle avait toutefois rappelé, qu’à la différence de ses
frères cadets, volubiles à l’excès, Kevin ne s’était confié
qu’une seule fois à sa « tata » pour évoquer les
sévices subis à la Tour du Renard. Aujourd’hui, le jeune homme
veut parler. « Tout le monde doit savoir ce qui s’est vraiment
passé », fait-il savoir, à plusieurs reprises, dans la lettre.
Quelques lignes plus loin, il veut « dire aux Français » sa
version de l’affaire d’Outreau, évoquant l’idée « d’écrire
un livre. » Dans son texte, Kevin parle de ses blessures. Des plaies
toujours ouvertes : « J’ai failli me suicider », écrit-il.
«
Ils ont détruit ma vie, je voudrais dire à la France ce que moi et
les autres enfants avons subi. » De qui parle-t-il quand il écrit «
Ils ont détruit ma vie » ? Et quel crédit apporter à cette
déclaration ?
Me Boyer, qui a rencontré son nouveau client il
y a peu de temps, est frappé par « sa force extraordinaire, qui
tient de la survie. » Il concède toutefois que son travail a
consisté « à canaliser cette fougue, à l’exprimer de manière
posée en se tenant aux questions de droit. » Mais la lettre envoyée
au juge Burgaud ressemble plus à un appel au secours.
Mickaël TASSART