OUTREAU
LA VERITE ABUSEE
Marie-Christine Gryson-Dejehansart
Ce livre est non seulement le récit d'un procès médiatiquement inéquitable, mais aussi une analyse des dysfonctionnements de ces premiers procès « téléréalité » de l'histoire de la justice, un état des lieux de l'atteinte à la démocratie et de la régression de la condition des victimes dans l'après Outreau, et un ensemble de propositions pour l'avenir.
Pourquoi
ce livre ?
J'ai écrit
cet ouvrage parce que
ce que l'on sait généralement de l'affaire d'Outreau est une vérité
tronquée, manipulée qui ne correspond pas à la vérité
judiciaire, à savoir que quinze enfants aux assises de Saint-Omer,
puis douze en appel à Paris, ont été
reconnus victimes de violences sexuelles et que les conséquences en
sont dramatiques. Le
brouillage des messages a été obtenu par la focalisation médiatique sur
la détention
préventive et les acquittements de la majorité des accusés.
Ce que dénonce cet ouvrage c'est
qu'avec cette affaire d'Outreau, s'est répandue l'idée que les enfants
MENTENT en matière d'abus
sexuels (ce que j'appelle la storytelling d'Outreau) uniquement parce
que les verdicts des
procès en assises n'ont pas été relayés par les médias.
J'emmène le lecteur avec moi au
procès de Saint-Omer, mais aussi aux commissions d'enquêtes parlementaire -
procès à charge des professionnels très médiatisé - et
judiciaire qui voit leur réhabilitation
(assistantes maternelles, policiers, magistrats, travailleurs
sociaux, experts) mais qui elle, étrangement
n'a pas été médiatisée !
Je souhaite insister sur le fait
qu'avec le “référentiel Outreau” tous les progrès de
la victimologie
infantile ont été balayés. Les experts psychologues, les
“traducteurs” de leur parole et de leur traumatisme ont été
discrédités pour longtemps, malgré une méthodologie codifiée par les
formations et l'expérience. J'étais à cette époque psychologue
clinicienne depuis 25 ans et expert depuis 15 ans. Les cinq experts
désignés lors du procès en assises ont par ailleurs
confirmé mes conclusions.
Aux procès d'Outreau tout ce qui
subsistait en termes de protection des enfants, à savoir que leur image
ne paraisse pas à la
télévision, s'est retourné contre eux. En effet, les deux procès
“téléralité”n ’ont pris en
compte que les images de la souffrance des adultes comme piège à
conviction, comme je le démontre
dans mon livre.
L'espace victimaire était occupé
par
les adultes et comme la justice est binaire, les coupables étaient
forcément l'autre partie :
les enfants et les professionnels, que l'on n' a jamais pu ni voir ni
entendre (les premiers pour des
raisons de minorité, les seconds de par leur obligation de réserve).
La culpabilité médiatique des enfants était par ailleurs inscrite
d'emblée dans la configuration de la salle d'
audience des assises de Saint-Omer puisque, faute de place, ils étaient
installés dans le
box des accusés avec leurs avocats. Les accusés étaient dans la salle
d'audience avec leurs avocats
et les journalistes, spectateurs de leur propre procès.
Paradoxalement, les enfants ont
dû,
comme des adultes, déposer à la barre durant parfois sept heures
d'affilée face aux
dix-neuf avocats des accusés, mais contrairement aux adultes, ils ne
bénéficiaient pas pour chacun
d'entre eux du conseil d'un avocat : ils devaient à quinze se partager
les deux avocats missionnés
par le conseil général du Pas-de-Calais. Les cinq avocats des
associations de défense
des enfants étaient également placés dans le box des accusés, ce qui
les rendaient
difficilement opérationnels ! La discrimination en termes d'âge est
sans doute à signaler aux
représentants de la Halde (un avocat par enfant indispensable).
La storytelling d'Outreau, la
bonne
histoire au bon moment, a fonctionné parce qu'elle était sous-tendue
par une synergie d'
intérêts plus ou moins opportunistes mais aussi et surtout parce
que son ressort essentiel a été la peur profonde de tout un chacun
d' être accusé injustement d' un crime qui
provoque le bannissement social. Cette affaire nous met à l' abri de
cette infamie certes,
mais elle a provoqué une régression majeure dans le droit des enfants à
être défendus par la
justice. La réalité du terrain aujourd'hui est la suivante : les
professionnels non seulement
doutent de leurs propres connaissances dans ce domaine, mais surtout,
ils craignent de subir le
même lynchage médiatique que leurs collègues d'Outreau. Les enfants ne
peuvent plus être
correctement protégés face à la pédophilie, ce qui constitue une
grave régression de civilisation”.
VOIR
AUSSI
La couverture
A
propos de Chérif Delay, l'aîné des
enfants d'Outreau